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Epidemium ouvre les mégadonnées du cancer

Le challenge autour du cancer lancé en novembre 2015 a duré 6 mois et mobilisé 16 équipes et 300 personnes. © CC Epidemium / Ermete Mariani / Barbara Govin

Lancé il y a six mois par le biohacklab La Paillasse et les laboratoires Roche, le challenge Epidemium remettait ce week-end ses prix aux meilleures initiatives d’analyse des mégadonnées du cancer. Une initiative de science ouverte pour mieux comprendre épidémiologie et facteurs de risques.

Ambiance chaleureuse malgré la gravité du sujet ce samedi 28 mai à La Paillasse, au centre de Paris, où le biohacklab accueillait la toute première cérémonie de remise des prix du Challenge4cancer, lancé il y a six mois avec les laboratoires Roche.

Le projet est exemplaire et assez unique en son genre. Fruit de la rencontre en 2015 d’Isabelle Vitali, directrice de l’innovation et des partenariats chez Roche France, et de Thomas Landrain, fondateur passionné de La Paillasse, l’initiative se veut généreuse, collaborative et ouverte.

Datavisualisation par Cancerviz, l’un des lauréats d’Epidemium. © CC Cancerviz

Epidemium fait converger l’inventivité du modèle de science ouverte prôné par La Paillasse et les objectifs en e-santé du leader mondial en cancérologie. Lors de la remise des prix, Isabelle Vitali confirme : « Nous avons décidé d’ouvrir et de partager nos données avec Epidemium, à savoir 12 études représentant 8 000 patients. Alors que les objectifs de Roche sont d’apporter de l’innovation au patient, nous sentions que nous avions tendance à négliger les potentialités des données. Nous avons décidé de nous ouvrir à la big data, d’organiser la rencontre entre médecins et data-scientists, et cela de manière ouverte, collaborative, pluridisciplinaire. »

Les trophées du Challenge4Cancer. © CC-by-NC-ND Studio Poussin

Un nouveau modèle pour la recherche?

Olivier de Fresnoye, coordinateur du projet, insiste d’ailleurs sur l’intérêt particulier à mener une opération de science ouverte : « Les data-scientists qui ont participé à Epidemium ne sont pas uniquement issus de la santé, mais aussi de la physique, des maths, de l’analyse financière. » Pendant les 6 mois qu’ont duré le challenge, Epidemium a réuni 16 équipes, soit 300 personnes, composées d’un tiers d’étudiants et deux-tiers de professionnels.

«À l’ère de l’intelligence collective et décentralisée, il n’y a pas de monopole pour les grandes idées. Epidemium ne s’est pas construit de manière scientifique classique mais sous la forme d’une initiative collaborative qui ouvre à énormément de perspectives et pourrait être à l’origine d’un nouvel modèle scientifique.»

Thomas Landrain, fondateur de La Paillasse

Depuis novembre 2015, donc, Epidemium, via ses coordinateurs Olivier de Fresnoye et Mehdi Benchoufi, a organisé des dizaines de meet-ups à La Paillasse ou ailleurs, assuré un suivi quotidien pour accompagner les participants et leur permettre de rencontrer des experts. « Dans la lignée de notre philosophie qui veut aller challenger les modèles de la recherche et donner la possibilité à chacun de s’exprimer », explique Thomas Landrain au micro.

Epidemium a accompagné et suivi les équipes tout au long des six mois du Challenge4Cancer. © CC Epidemium

Pour suivre le programme sur l’année et récompenser les meilleurs projets, Epidemium, doté par Roche d’un budget de 200 000€, a rassemblé un comité éthique et un comité scientifique composés de médecins et experts, comme le mathématicien et médaille Fields 2010 Cédric Villani, le professeur Bernard Nordlinger, spécialiste en chirurgie digestive et oncologique à l’hopital Ambroise-Paré de Boulogne-Billancourt, la médecin pédiatre et journaliste e-santé Cécile Monteil, ou encore Gilles Babinet, le « digital champion » français. Les statisticiens et mathématiciens apprenant au fur et à mesure du projet le vocabulaire oncologique et inversement, les médecins apprenant ce que veut dire wiki, hackathon, ou autres éléments de langage de la dataviz.

Le jury donne ses impressions sur le challenge. © CC-by-NC-ND Studio Poussin

Venons-en aux prix

Le premier prix a été attribué au projet Baseline pour la précision de son modèle permettant de sortir des facteurs de risque. Baseline a aussi reçu une mention spéciale pour ses efforts d’inclusion et de travail collaboratif : ils ont mobilisé à eux seuls plus de 200 personnes. Baseline a pour objectif de croiser les données d’incidence et de mortalité du cancer et de les recouper avec les données des différentes conditions de vie dans le monde. La superposition des facteurs de risque, très variables dans le monde (exposition au soleil, au tabac, alimentation, pollution, etc.), ont conduit l’équipe à collecter des informations dans le monde entier afin de constituer une énorme base de données ouverte.

Roche récompense le premier prix d’un chèque de 5 000€ et donne six mois à Baseline pour se constituer en start-up et les accompagner ensuite. Rendez-vous pris par Baseline le 5 novembre pour une nouvelle phase du projet !

Une partie de l’équipe de Baseline, 1er prix du Challenge4Cancer. © CC-by-NC-ND Studio Poussin

Le deuxième prix revient à Cancerviz, un outil de visualisation de données salué pour son caractère très ergonomique et multi-critères, permettant d’accélérer la phase d’analyse de données exploratoires, souvent très chronophage et laborieuse. « Laissons les chercheurs se focaliser sur leur travail et nous, data-scientists, concentrons-nous sur la meilleure façon de leur fournir des outils pour faciliter leur travail », déclarait d’ailleurs le représentant de Cancerviz.

Le troisième prix a été décerné au projet de jeu sérieux éducatif Else, une plateforme ou l’utilisateur incarne un personnage né en 2000 qui voit ses risques de cancer fluctuer en fonction de ses choix de vie. Else a été développé par des salariés de l’entreprise de services informatiques Conix, présents samedi et émus : « Ce prix a beaucoup de signification pour nous car nous voulions mettre en œuvre un travail collaboratif avec différentes compétences de l’entreprise qui n’avaient pas forcément l’habitude de travailler ensemble. » Else était aussi récompensé d’une mention pour l’originalité de son modèle, Conix faisant d’une pierre deux coups, une action bénévole pour le cancer et du team building pour son équipe…

L’équipe Else très fière de son 3ème prix. © CC-by-NC-ND Studio Poussin

Puisqu’il s’agissait du premier challenge de recherche collaborative, tout le monde a eu droit à sa mention : Approches prédictives et risque de cancer et Venn ont été récompensés pour leur travail sur l’analyse de l’impact des facteurs environnementaux sur l’incidence des cancers, Oncobase a reçu une mention pour l’éthique et la qualité de l’homogénéisation dans le rapport spécialistes-patients. BD4cancer est récompensé pour son wiki sur la pharmacovigilance, l’identification des effets indésirables des médicaments anti-cancer et la prédiction de nouvelles interactions médicamenteuses. Enfin Viz4cancer a reçu deux mentions pour sa data-visualisation et son travail collaboratif.

Epidemium se poursuit sous deux formes : La Paillasse continue d’accueillir les projets jusqu’à la fin de l’année, tandis que Roche accompagnera les trois grands prix dans l’année et demie à venir. Surtout, cette première expérience de recherche collaborative a vocation à faire des petits…

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