Makery

Toulouse, capitale des fablabs le temps d’un week-end

Photo de famille des fablabs et des makers réunis au Fablab Festival 2016. © Makery

Carton plein pour le Fablab Festival 2016. 7500 visiteurs ont échangé et découvert les robots DiY, les drones, l’imprimante 3D ou la bioluminescence. Mais ce rendez-vous est aussi celui de la communauté, qui s’est structurée en Réseau français des fablabs.

Toulouse, envoyée spéciale

Des vikings, des robots, des makers, des drones et des visiteurs par milliers ; la naissance du réseau français des fablabs (RFFLabs) et les bases d’un réseau francophone… La 2ème édition du Fablab Festival, à Toulouse du 5 au 8 mai, a confirmé ses promesses. Et Artilect, le plus ancien fablab français organisateur du grand rendez-vous des labs français, peut s’en réjouir, à l’instar de son cofondateur, Claude Soria :

Makery, partenaire du festival, a suivi en direct cet événement qui a réuni 60 fablabs français et une « vingtaine de l’étranger », selon Claude Soria, avec une forte présence francophone, quelque 300 makers réunis au premier jour, pour une fréquentation globale de 7 500 visiteurs (5 000 l’an passé). Conférences, ateliers, barcamps, rencontres et tables rondes se sont succédés, au grand bonheur des participants, ravis d’échanger sur leurs pratiques, leurs modèles économiques, leurs difficultés et leurs projets. 

Naissance du Réseau français des fablabs, le RFFLabs

A voté! A la première AG du Réseau français des fablabs (RFFLabs), jeudi 5 mai. © Makery

La première pierre avait été posée à Toulouse à l’édition 2015. Un an plus tard, le festival entamait l’édition 2016 par l’assemblée générale constitutive du RFFLabs, après avoir passé l’année à discuter en ligne et à Paris, non sans remous. Mais à Toulouse, l’ambiance est bon enfant, il s’agit d’entériner l’association qui se donne pour but de fédérer les fablabs en France sous la bannière de la charte de la Fab Foundation. Pour commencer, un livre blanc pour les collectivités territoriales sera rédigé. Le président est Olivier Gendrin, qui a mouillé sa chemise en tant que coordinateur du projet, la vice-présidence revient à Artilect en la personne de Nicolas Lassabe. Sont membres du RFFLabs 55 fablabs français (29 étaient physiquement présents à Toulouse lors de l’AG, les autres ont confirmé leur adhésion).

Embryon de réseau francophone

Artilect tenait à faire du Fablab Festival un rendez-vous européen. Avec la venue de plusieurs makers d’Afrique et la visite officielle du ministre de la Recherche du Maroc, la voie francophone est privilégiée. « Le ministre a invité 8 fablabs du Bénin, de Côte d’Ivoire, du Mali, du Burkina-Faso, du Maroc, de Tunisie, de Belgique et de France, à venir présenter à la COP22 en novembre prochain des prototypes qui répondent à des problématiques environnementales », explique Alexis Janicot d’Artilect. Une première étape pour un réseau de fablabs francophones ?

La Fab Foundation : « We need you »

Sherry Lassiter, marraine de l’édition 2016 du Fablab Festival. © Makery

Sherry Lassiter, la directrice de la Fab Foundation et marraine du festival, a porté un discours politique lors de sa conférence balayant l’ensemble des partenariats et projets engagés et soutenus par l’organisme créé au sein du MIT par Neil Gershenfeld pour fédérer le mouvement. Elle y parle des projets qui « changent le monde » (clin d’œil à la thématique 2016 du festival, « les fablabs, ils changent la vie »), présente la carte des espaces d’innovation dans le monde réalisée par les consultants d’Ananse (un peu trop américano-centrée, les Etats-Unis sont recouverts, la France n’a que Numa…), parle start-ups et éducation, innovation et développement durable. Donc le fablab peut tout faire ? Jusqu’au jeu vidéo ? Bien sûr ! Le prototype de « Fab the Game », développé par E-Line Media (repéré pour son jeu Never Alone), sera visible dans six mois, promet-elle.

Alors que le RFFLabs a failli se déchirer sur la définition d’un fablab (charte Fab Foundation ou « esprit fablab » ?), Sherry Lassiter préfère embrasser tout le monde (start-upers comme humanitaires ou militants de l’open science), plutôt que se couper d’un mouvement qui déborde largement du cadre de sa fondation. « Nous avons besoin de vous. Nous voulons garantir la qualité des projets et synchroniser le réseau pour offrir la même qualité. » Et de finir en invitant tout le monde à la Fab12, la conférence internationale des labs, cet été à Shenzen (Chine).

Le festival du public

La halle d’Artilect, avec volière à drones (sous les bandes rouge et blanche). © Makery

L’immense halle d’Artilect n’a guère désempli pendant le week-end. Malgré le vent d’autan qui faisait ronfler les tôles du bâtiment, les conférences les plus variées (architecture et design, économie et communs, réglementation en matière de drones…) se chevauchaient, des ateliers pour juniors et plus grands (sumo, savon, création d’une websérie sur les fablabs, Arduino…), des courses de drones et des démos de robots, de la fabrication de tissu à partir de Kombucha, ont largement séduit un public familial.

 

Les robots font le show au Fablab Festival. © Yannick Vernet-CC by SA 2.0 
Le Drakkar DiY de la compagnie du Bâtar a hissé son mât au Fablab Festival 2016. © Yannick Vernet-CC by SA 2.0

Les « makers extrêmes » de la compagnie du Bâtar qui présentaient l’an passé leur projet de drakkar DiY, l’exposaient fièrement au centre de la Halle (en bois et grosses vis, avec l’aide d’Opendesk). Artilect avait mis le paquet avec le tunnel bioluminescent.

 

LABobinette, achevée deux jours avant le festival, une imprimante 3D low-tech. © Makery
Prototype de jeu de construction en mycélium à faire pousser. © Makery

Contradictions et points de débat

D’un côté, des barcamps pour discuter des fablabs et l’argent (ou de santé et éducation), des conférences sur les communs où l’on a pu entendre « Les Nuits debout sont d’une certaine manière des fablabs où l’on expérimente le partage », de l’autre, une journée « pro » axée sur la meilleure façon de passer du prototype à la production de masse, où la présence des industriels était notable (de Dassault Systèmes à Air France). Les modèles économiques des fablabs sont ouverts, de l’association avec adhésion à l’incubateur en passant par le modèle qui monte dans l’économie sociale et solidaire, et adopté par deux fablabs présents à Toulouse, la coopérative.

C’est le cas de 8fablab dans la Drôme (qui entame sa 3ème année et y voit plus clair, confirme Carole Thourigny), et du Squaregolab à Perpignan, le « petit dernier » qui a tout appris à la dernière édition et s’est inspiré des rencontres et discussions menées à Toulouse pour ouvrir sa SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) à 56 coopérateurs. « J’ai pris les conseils de gens bienveillants dans le réseau et ici à Toulouse l’an passé », raconte Joris Navarro, le fabmanager. « On mélange coworking space, fablab, café et boutique pour que les makers puissent acheter la matière première pour bidouiller. C’est un équilibre entre fablab et fablab pro (avec de la mise à disposition pour les artisans par exemple de la découpe laser), dans une ville où on est les champions du chômage. »

Les barcamps (dont les sujets de discussion ont été choisis par la communauté) ont fait le plein, comme celui sur les fablabs ruraux. © Makery

Y a-t-il contradiction entre la défense de l’open source, d’un modèle contributif et collaboratif et la recherche de l’innovation et de l’incubation de start-ups ? « Comment garder son âme ? », résume à l’issue d’un barcamp Teddy d’Artilect : « Par l’évangélisation, en faisant de la co-traitance plutôt que de la sous-traitance, des partenariats et de l’autonomie par rapport aux subventions. » Parfois, les makers souffrent de leurs quintuples casquettes : innovateur, entrepreneur, évangélisateur, bénévole… 

Ça s’agrandit, ça ouvre, ça bouge

Le Fablab Festival est l’occasion d’un état de l’art des labs. Avis de naissance pour Crealab, qui ouvrira en août sur le campus de Delémont dans le Jura suisse pour « former des enseignants à développer le potentiel de créativité des élèves dans une approche de type fablab », explique Richard-Emmanuel Eastes, en charge du projet. Dans le Pays d’Auray, la Fabrique du Loch a ouvert le 26 avril. En Ariège, « il existe plein de projets de labs qui ont pour objectif de relocaliser les activités en milieu rural et de travailler à l’autonomie énergétique ».

Scission en revanche du côté des Brestois à la Fabrique du Ponant : la Maison du libre a repris sa liberté pour installer son Tyfab au centre de Brest, tandis que les deux autres partenaires, les Petits Débrouillards et Télécom Bretagne, restent au lycée Vauban.

Le camion de pompiers réaménagé en fablab mobile par French Makers. © Makery

Les French Makers, le fablab de Besançon, ont inauguré leur camion de pompier customisé en fablab en faisant la route jusqu’à Toulouse. Avec écran de diffusion du docu sur les makers, démo d’imprimantes 3D à double buse, rack de Raspberry (pour étudier les vols aériens au radar, contrôler la température de l’imprimante…), démo de graffiti et piste d’atterrissage pour drones sur le toit.

Et pour attester de la belle santé du mouvement maker, les projets d’agrandissement sont légion. A la Roche-Sur-Yon, le Zbis passe de 150 à 800m2, le Squaregolab de Perpignan double son espace. Et le Ouagalab, au Burkina Faso, va entreprendre des travaux, toujours à la brique «maison», pour héberger dix start-ups. « On n’a pas encore choisi tous les projets mais on croule sous les demandes », explique Gildas Guiela, son fabmanager. Quant à La Paillasse, le biohacklab parisien, son fondateur Thomas Landrain annonce un changement de modèle économique (on y reviendra) pour en faire le tout premier laboratoire de recherche biologique ouvert et collaboratif.

Retrouvez le fil en direct de Makery au Fablab Festival 2016

Visite commentée en 360 degrés du Fablab Festival 2016

Lire aussi le compte-rendu par PH Innovation de la table ronde «De l’idée à la production de masse, quelles solutions pour changer d’échelle»