/ Création La jungle de Calais vue à travers les témoignages de réfugiés, recueillis par Isabelle Arvers, auteure d'un machinimadoc en cours. © DR

Heroic Makers vs Heroic Land, par Isabelle Arvers dans la jungle de Calais

L’Etat français veut démanteler la jungle de Calais. L’école du Chemin des dunes, ouverte le 6 février et tenue par des bénévoles, sera-t-elle épargnée? Spécialiste des jeux vidéo, Isabelle Arvers réalise un machinimadoc avec les réfugiés. En exclusivité pour Makery, elle livre ses premières images.

Zimako, de la jungle de Calais au machinima d’Isabelle Arvers:

Ces entretiens sont issus d’un travail en cours. Il s’agit d’un document que je réalise en machinima à partir d’un moteur de jeu, de photos prises dans la jungle de Calais et d’entretiens réalisés avec les résidents, entre le 6 et le 20 février 2016. Alors même que prend fin, ce mardi 23 février, l’ultimatum de la préfecture du Pas-de-Calais aux occupants de la « zone sud », leur intimant d’évacuer cette partie de la jungle. La « jungle » qu’on nomme ainsi car la lande de Calais était à l’origine un terrain de chasse… et que l’absence de prise en charge décente de la situation par les pouvoirs publics finit par transformer des êtres humains en animaux…

Rendre l’humanité à la jungle

La question que je me pose, ce que je veux comprendre, c’est comment habiter la jungle, comment lui rendre son humanité, comment y créer des lieux de vie, de convivialité. Comment faire le travail d’un Etat qui ne souhaite pas le faire, ni voir l’urgence des situations, mais plutôt « diminuer » la population des migrants à Calais. Sans jamais prendre en compte la dignité de ceux qui sont là en transit, qui ne souhaitent pas demander l’asile, mais partir au plus vite pour l’Angleterre…

En un peu moins d’un an, ensemble, les réfugiés de la jungle ont construit, avec l’aide de très nombreuses associations françaises et surtout anglaises, ce qui est à présent une ville-monde, habitée de lieux de culte, de boutiques, de services, de restaurants, d’écoles, de galerie, d’espaces culturels…

Ces héros du quotidien sont non seulement capables de subvenir à la plupart des besoins des communautés mais apportent un modèle politique naissant, avec une prise de décision émanant de chaque représentant des communautés présentes, que les associations écoutent, au plus proche des besoins de ceux qui vivent ces espaces et en respect de leurs attentes et de leurs voix.

Un parc d’attraction-répulsion

Le comble de la jungle, c’est la maire de Calais et son « grand projet » pour les Calaisiens qui consiste à redorer l’image de sa ville en créant un parc d’attraction, Heroic Land, dont le budget s’élève à plus de 275 millions d’euros. Un parc inspiré de l’univers des jeux vidéo, des mangas et de l’heroic fantasy, au mépris des véritables héros, à même d’apporter des solutions à la problématique ô combien complexe de la migration et des zones de transit…

C’est pourquoi j’ai choisi le médium jeu vidéo pour retranscrire les entretiens menés avec ces résidents de la jungle et leur donner une autre dimension. Les extraits présentés ici sont liés à la création de l’école du Chemin des Dunes. Son instigateur, Zimako Jones, un demandeur d’asile originaire du Nigéria, a été aidé par des associations comme Solidarité laïque, Ateliers sans frontières, par des groupes de bénévoles et des « frères » comme il les nomme. Dont Marko, un Kurde présent sur la jungle depuis plus de onze semaines (et qui préfère rester anonyme). Il aide Zimako à finaliser la construction de ce qu’il appelle un forum, un lieu de rencontre, d’échanges et d’apprentissage pour les enfants, mais aussi pour les adultes.

Ils y parlent de construire, de suivre une vision, de ne jamais lâcher l’affaire, de rester sur place, de soutenir les familles, les enfants, d’entraide…

Marko, de la jungle de Calais au machinima d’Isabelle Arvers:

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Le machinimadoc d’Isabelle Arvers, actuellement en résidence arts numériques à Dunkerque dans le cadre du Contrat local d’éducation artistique (Clea), sera présenté en avril à la Kingston University de Londres, à l’invitation du sociologue Nicola Mai

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