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OCPC, la CNC pour tou(te)s est arrivée

Cinq prototypes de l'OCPC en cinq couleurs acidulées. © Gaku Hirota

Entièrement open source, avec recette en ligne, matériaux accessibles en fablab et bientôt vendue en kit pour une centaine d’euros, l’OCPC ou «One CNC Per Child», conçue au Japon, augure la révolution de la machine à commande numérique pour tous.

Tokyo, de notre correspondante

A première vue, rien d’exceptionnel : une plateforme hexagonale tripode en acrylique, trois servomoteurs, un circuit Arduino Uno, une pile 9V, une breadboard, beaucoup de câbles. Pourtant, cet objet insolite préfigure une ère nouvelle, celle du fab 2.0, où chacun(e) peut fabriquer sa propre machine à commande numérique (CNC) personnelle.

Hiroya Tanaka, le professeur à l’université de Keio qui a conçu le projet, est déjà passé par plusieurs sobriquets pour décrire la bête. D’abord appelée «CNC à 100$» (le prix n’a pas changé en ce qui concerne le Delta Kit), il l’a rebaptisée OCPC pour « One CNC Per Child » (une CNC par enfant), un acronyme qui s’inspire directement du projet OLPC (One Laptop Per Child). Si le nom séduit, sa définition est plus floue : « machine de fabrication à usage personnel » ou plus simplement, « robot ».

Un étudiant montre son OCPC transformée en « main consolatrice ». © Cherise Fong

A propos, quelle est la différence entre une machine-outil à commande numérique (CNC) et un robot ? Pas grand chose… L’OCPC est donc un robot contrôlé par Arduino, alimenté par pile et qui tient sur trois pieds motorisés qui lui permettent de bouger sur trois axes (x, y, z). Pour le reste, c’est à chacun de personnaliser son OCPC à son goût, ou selon son usage.

Conçue depuis un an dans son lab par Tanaka, en collaboration avec son étudiant ingénieur Gaku Hirota pour la partie mécanique, l’OCPC a fait… 25 fois son avant-première le 14 janvier dans une salle de classe du campus Shonan-Fujisawa de l’université de Keio… Des dizaines d’étudiants en première année à la Faculté des études environnementales et d’information avaient pour tâche de trouver une application originale pour cette machine autrement générique qu’ils venaient de fabriquer. Et de réaliser un petit film d’environ une minute.

«A Morning with Deltabot», Genta Mochizawa, l’un des films réalisés (2016):

Sur les 25 groupes, près de la moitié réinterprètent le réveil matinal, la cuisine et/ou la nourriture. Ces applications ludiques vont d’un distributeur automatique de frites (une seule à la fois, de façon à ne pas se salir les doigts en travaillant) à une machine à peler une pomme à l’aide d’une lame fine (avec le potentiel d’y graver des dessins ou des formes plus précises, selon la stabilité de la structure). Autre application tendance : le remplacement de la main (ou de la bouche) humaine pour masser (ou embrasser)… et pourquoi pas un chien de garde déguisé en plante ?

En somme, résume le professeur, ces premières applications de l’OCPC, tantôt pratiques, toujours ludiques, peuvent se catégoriser en trois rubriques : substitut de l’humain, extension de l’humain et nouvelle invention. D’ailleurs, c’est cette dernière catégorie que représente le gagnant du prix Tanaka : l’œil étrange à la pupille errante, installé dans l’espace public.

L’œil OCPC, gagnant du prix Tanaka (2016):

S’il est donc possible de faire de l’innovation conceptuelle avec six tiges de 28,5 cm montées sur trois servomoteurs, qui ne sont ni très stables, ni très précises, on peut imaginer ce qui en résultera avec un peu plus de temps et une participation plus large…

Tanaka confirme qu’il s’agit avant tout d’un outil pédagogique (qui se fabrique en deux heures avec une découpe laser) pour apprendre comment fabriquer (et donc comment fonctionne) une machine CNC, avec toutes ses parties électronique, informatique, mécanique et matérielle.

Selon lui, les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas connu un monde sans la pléthore de gadgets informatiques préfabriqués qui les entourent. Ses étudiants utilisent souvent les imprimantes 3D sans vraiment savoir comment fonctionne la mécanique. L’OCPC sert donc de point d’entrée dans l’univers fablab, et signale le tout début de l’ère fab 2.0. « La première expérience est la plus importante », affirme le fab professeur.

Les étudiants en première année à la Faculté de Keio. © Cherise Fong

Quelles sont les prochaines étapes du projet de l’OCPC ? Tanaka évoque la réalisation d’un livre dédié à la machine et la conception d’un kit modulaire (à 100$ ou moins) qui sera distribué à un public plus large. Cinq couleurs acidulées, à l’instar des tous premiers Imacs, sont déjà prévues par le fab professeur qui envisage d’inviter des designers à participer au projet, afin de séduire le grand public.

« Au Japon, dit-il, le matériel open source est encore limité aux geeks et aux ingénieurs, mais si on parle de l’éducation, de la culture fablab, il faut ouvrir l’esprit à de nouvelles communautés, comme les designers, les familles… »

En attendant, on se réjouit de fabriquer en fablab ce petit robot à mille et une fonctions personnelles, une machine par maker.

Retrouver sur Fabble la recette complète pour fabriquer l’OCPC Delta Kit (en japonais seulement, avis aux makers japonisants pour la traduction !)