Makery

Hollywood makers, l’éveil de la force?

Matt Damon survit sur Mars grâce au DiY. © 2015 Twentieth Century Fox

Cinéma, séries et émissions de télé-réalité lorgnent de plus en plus vers les gentils makers. Les bidouilleurs sont conviés à s’affronter dans un show télé pour 1 million de dollars, MacGyver revient, les héros Disney font dans le DiY… Décryptage.

Les makers sont-ils les nouveaux super-héros qu’attendait l’Amérique ? Quand le collégien américain Ahmed s’est fait interpeller par la police alors qu’il avait apporté à l’école son horloge bricolée pour la montrer à son professeur, le monde entier s’était ému. Sur fond de tollé médiatique, un tweet compassionnel d’Obama lie le sort de l’Amérique à ses jeunes bidouilleurs. Dans la foulée, la Silicon Valley offre à Ahmed assez de matériel pour mettre une fusée en orbite.

La malette de James Bond ? Raté, c’est l’horloge d’Ahmed. ©DR

Les liens entre le monde du Faire et Hollywood se tissent côté fiction comme côté business. En 2011, Makezine, la bible des makers, intronisait le héros Marvel Tony Stark comme l’un des plus grands makers de fiction. Dans Iron Man 3, sorti il y a deux ans, le milliardaire ingénieur Tony Stark, major de promo du MIT, aménage son labo dans le garage d’un jeune génie de la bidouille. Comme Ahmed, il finit par récompenser son petit génie avec du matériel flambant neuf. 

Disney n’a pas attendu pour imaginer un héros de cartoon très bricodeur : Les nouveaux héros (2014) raconte l’histoire (tirée d’un manga japonais) d’un petit génie de la robotique qui transforme ses amis en super-héros hi-tech. En octobre 2015, le géant de l’animation a également accepté que la firme qui fabrique des prothèses DiY pour enfants Open Bionics utilise les couleurs de ses super-héros.

Disney (Marvel, «Star Wars») ouvre ses franchises à Open Bionics. © Open Bionics
La magie des fablabs retranscrite dans «Les nouveaux héros» (capture écran) © Disney

Le hacker, menace post-moderne

Evidemment, la figure du hacker, ce génie incompris tirant sur le Géo Trouvetout, n’est pas nouvelle à Hollywood, qui se nourrit de tout ce que l’imaginaire collectif peut ingérer. Les films d’espionnage, et leur contexte idéal de Guerre froide, ont longtemps été les seuls à valoriser la figure de l’inventeur bidouilleur de génie. Depuis son lab du MI6, Q a ainsi toujours été le maker de James Bond. L’espion gaffeur Max la menace écrasait dès 1965 un mini-drone qu’il prenait pour une mouche.

Aujourd’hui, le quotidien de la fabrication numérique rattrape celui des services secrets d’hier : dans le remake de la série Mission impossible, Protocole Fantôme, c’est une imprimante 3D qui fabrique les fameux postiches de la série.

Mais dans les années 1980, c’est avec Wargames (1983), que le phénomène hacker allait être révélé au grand public via la figure d’un adolescent. Déclencher une guerre nucléaire depuis sa chambre d’ado, forcément, ça marque une génération.

«Wargames» offrait une vision tragi-comique du hacking (capture d’écran). © DR

Depuis, le filon ne s’est pas tari. Même si le hacker a encore du mal à sortir de son rôle de méchant de service, il est partout. La série Mr. Robot, plus proche de la réalité du hacking, cartonne actuellement aux Etats-Unis sur USA Network.

Dans le blockbuster San Andreas (2015), le médialab du California Institute of Technology (Caltech) est sollicité pour hacker la télévision nationale et prévenir la population d’un tremblement de terre.

La campagne de la série «Mr. Robot» fait dans le subversif. © USA Network

Le labo a remplacé le flingue

D’une certaine manière, Hollywood a toujours célébré les génies de la bidouille, qu’il soient identifiés sous l’étiquette de scientifiques, d’informaticiens ou de geeks. Et pour cause, l’industrie du cinéma en « utilise » des tonnes au générique de ses productions, qu’ils soient spécialistes des effets spéciaux ou auteurs d’animatronics. Depuis Les Experts, le labo a quasi remplacé les flingues.

Le premier personnage à avoir mis en valeur le système D ne portait ni blouse blanche, ni costume trois pièces… mais un mulet. MacGyver se tirait de toutes les situations avec à peu près rien d’autre qu’un trombone et du gaffeur. Après sept années de diffusion, la série s’était interrompue en 1992. Devinez quoi, MacGyver revient prochainement sur CBS… mais sans l’acteur Richard Dean Anderson, 65 ans aujourd’hui.

MacGyver est devenu un mème et dans la vraie vie, c’est la même. © Meme Center

«L’Amérique a un incroyable maker»

Si Hollywood lorgne sur la «révolution maker», les producteurs ont une vision plus claire du maker, du hacker et du simple geek. La preuve avec le dernier concept de télé-réalité, America’s greatest Makers. Enfermez quinze personnes dans une salle avec du matériel et vous avez un hackathon, rajoutez des caméras et vous obtenez une émission de télé-réalité… C’est ce qu’a dû se dire l’heureux producteur anglais de Survivor, Mark Burnett, qui s’est associé avec Intel pour produire America’s greatest Makers, à voir sur les écrans télé américains en 2016. 

Les makers cobayes qui devront fabriquer un wearable innovant, n’iront pas pour y gagner un kit Arduino, mais 1 million de dollars, soit l’équivalent de ce qu’offre une émission comme American Idol.

L’appel à projets d’Intel dans le cadre de l’émission «America’s greatest Makers»:

La toute première émission 100% makers a cependant été diffusée sur le Game Show Network en août 2015. Dans la série télé Steampunk’d, dix makers costumés s’affrontaient dans un univers rétrofuturiste steampunk pour fabriquer divers objets et mécanismes (et le vainqueur empochait 100 000 $).

En attendant d’autres séries valorisant le biohacking ou l’imprimante 3D, les équipes marketing enrobent leur communication pour convaincre les makers devant leur petit écran. Netflix offre ainsi des tutos Arduino pour préparer son salon à une séance de binge watching, tandis que Pizza Hut propose de transformer son carton d’emballage en vidéoprojecteur.

Netflix récidive avec des chaussettes qui mettent sur pause quand vous vous endormez. © Netflix

Les makers rois de l’entertainment sont-ils un feu de paille ? En tout cas, lorsque les studios envoient Matt Damon Seul sur Mars, le système D est plus que présent : et que je te bricole un talkie walkie interplanétaire avec le rover Opportunity… Houston n’a plus de problème, impossible n’est pas maker !

Preuve ultime qu’Hollywood peut mettre le mouvement maker à toutes les sauces ? MythBusters, la seule émission qui vérifait la véracité de la bidouille au cinéma et à la télé (dont MacGyver) s’arrête après 14 ans de bons et loyaux services. Avec les lauriers du magazine Make : « En combinant des principes scientifiques de base avec la joie de fabriquer des trucs dingues et les faire exploser, Savage et Hynemn (les présentateurs de l’émission, ndlr) ont gagné leur place dans le cœur et l’esprit des makers. »