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Au salon nautique, le LabREV montre son lab flottant écoresponsable

Les marins du LabREV se sont faits aider par les makers rencontrés: ci-dessus, Leds&Chips à Lisbonne leur a fourni deux pales pour leur éolienne DiY. © LabREV

Ils en ont fait la preuve: un voilier peut être autonome en énergie grâce à des proto DiY. Après avoir bouclé leur périple en Méditerranée, les marins du LabREV investissent le salon nautique à Paris. L’occasion de tirer un premier bilan.

Chaque mois, les makers du LabREV postaient sur Makery le récit de leurs aventures en Méditerranée.  Léo Talotte, Adrien Marchandise et Olivier Leynaud étaient à bord du Karukera depuis avril, dans le cadre de leur projet de LabREV (Laboratoire pour le Refit et l’Eco-Voile), un voilier laboratoire sans énergie fossile. Sept mois de navigation DiY, où chaque escale était l’occasion de visiter un ou plusieurs labs. Depuis leur retour en Bretagne, ils préparent leur prochaine aventure : présenter leurs protos au salon nautique à Paris (du 9 au 13 décembre). 

Pas vraiment une promenade en bord de mer

Adrien, Léo, Olivier, ainsi qu’une douzaine d’autres équipiers occasionnels, ont enchaîné 9 000 kilomètres, parcouru 5 pays (France, Portugal, Espagne, Grèce, Italie) et visité 19 labs. Le tout en autonomie énergétique complète grâce à leurs protos : une éolienne et un hydrogénérateur imprimés en 3D, une centrale de navigation maison, une imprimante 3D adaptée à l’habitacle d’un voilier, un panneau solaire, un moteur bricolé pour tourner à l’huile de friture… En revanche, le potager à bord  « a complètement foiré, concède Adrien Marchandise, c’est pas évident pour des plantes de passer d’un début de printemps breton à l’été grec ! »

Avantage de l’autonomie : on peut faire escale ailleurs qu’au port… © LabREV

Pari gagné sur la production d’électricité

Le premier but du périple était l’autonomie énergétique. En clair, naviguer sans utiliser d’essence ni recharger les batteries au port. Pari gagné haut la main. L’éolienne produisait 15 watts à 15 nœuds de vent (90 W à 30 nœuds) et l’hydrogénérateur 30 W pour 5 nœuds de vitesse. Les 2 batteries de voiture de 100Ah étaient très vite pleines. La centrale de navigation, les feux de position ou encore l’imprimante 3D n’ont jamais manqué de jus.

Le proto d’éolienne, en bonne partie imprimé en 3D. © LabREV

Le moteur, qu’ils ont baptisé Brutus, était lui aussi un proto. Un proto à l’huile de friture. « Il a marché pendant 400 heures et nous a lâché en arrivant à Toulouse. On a quand même fait les trois quarts du trajet avec un mélange fait de 60 % d’huile de friture récupérée dans les restaurants de bord de mer à chaque escale. » 

A force de réparer le moteur, les LabREVeurs se sont sentis plus garagistes que marins. © LabREV

Imprimer en 3D en pleine mer, c’est possible

En plus d’une caisse à outils bien fournie, le LabREV embarquait une imprimante 3D (une Mondrian d’Openedge, qui a bénéficié de quelques améliorations pendant le voyage). Avant de partir, l’équipage avait produit quelques accessoires d’accastillage. En mer, la machine a tourné 70 heures, consommant 3 bobines de PLA d’1 kg chacune. Malgré les conditions parfois difficiles (mer agitée, courants d’air, chaleur et humidité dans l’habitacle).

A 40°C d’air ambiant, le plastique arrive déjà mou dans la buse, qui doit être fréquemment nettoyée. © LabREV

Lorsque l’hydrogénérateur s’est décroché en pleine mer (forcément la faute d’un poisson sournois, assure Adrien), ni une ni deux, un nouveau est imprimé, assemblé et remis à l’eau. Lorsque l’éolienne se plante dans le panneau solaire, les marins ne se laissent pas abattre. Ils ont les fichiers 3D. Avec l’aide du Fablab de Lisbonne, ils refabriquent les pales. Les assemblent, montent l’éolienne, et c’est reparti. Les batteries se chargent.

La ré-impression de l’hydrogénérateur. © LabREV

Les petites casses courantes sur un voilier sont aussi réparées en impression 3D. « On a remplacé la tirette pour le moteur, les boutons de la gazinière… à chaque fois on les a remodelés en 3D, imprimés, et on a remplacé les pièces défectueuses. Normalement, on aurait bricolé avec du Scotch et du carton, mais le Scotch et le carton, c’est rapidement pas terrible en mer. »

19 fablabs visités, «soit passionnants, soit super chiants»

« On préfère ne citer personne mais on a été marqués par un contraste entre les labs. » La plupart des lieux visités étaient « vivants, vibrants, avec de belles communautés, accueillantes, incroyables et drôles, des lieux et des gens qui font vivre leur quartier, leur ville. » Mais pas tous : « Certains fondateurs ont oublié pourquoi ils font un lab. Ils présentent des machines plutôt que des projets. Leur principale activité est la paperasse, pas le prototypage… » 

Quatre lieux ont marqué l’équipe : Bricolabs, le hackerspace de la Corogne, pour sa communauté aussi forte que variée, Roma Makers en Italie et ses multiples makerspaces, ses centaines de membres et ses projets incroyables, Valldaura, le lab sur les hauteurs de Barcelone, pour son projet écoresponsable et l’invitation à venir améliorer les protos du bateau. Et enfin la toute nouvelle Charbonnerie à Marseille, qui construit un lieu d’abord adapté aux besoins de la communauté locale.

Roma Makers et LabREV, la rencontre « joyeuse ». © LabREV

Les makers du LabREV se souviendront aussi du jeune fablab d’Ajaccio, animé par Marylin Richard : « On n’est même pas sûrs qu’elle dorme de temps en temps. » Et de l’imprimante 3D géante du magasin-lab Leds & Chips à Lisbonne : « C’est la machine la plus grande et à la fois la plus précise qu’on ait jamais vue. »

La route du LabREV, et les 19 labs visités.

Transformer les skippers en makers

Le but ultime du LabREV est de secouer le monde de la navigation de plaisance, de le rendre plus écoresponsable et accessible. Forts de leur expérience, les LabREVeurs entendent documenter leurs protos et les partager en open source. 1er crash test du 9 au 13 décembre dans le grand bain du salon nautique de Paris. « Ce sera aussi l’occasion de trouver des pistes pour faire vivre notre asso. On ne sait pas encore si on peut vivre de la vente des protos (éolienne, hydrogénérateur, accastillage, imprimante 3D pour bateau, porte-gobelets sur mesure…) et de missions de conseil sur la navigation écoresponsable… »

La centrale de navigation conçue et fabriquée par les équipiers du LabREV. © LabREV

Déjà, une réplique de leur station de navigation DiY à 400 € (contre 2 500 dans le commerce) équipe un gros voilier de course. « Mais le propriétaire ne préfère pas trop communiquer, admet Adrien Marchandise. La voile de plaisance est encore un milieu plutôt de riches pas très jeunes qui préfèrent les bateaux chromés, chers et rutilants aux bateaux labs plein de protos open source. »

Le LabREV au salon nautique, du 9 au 13 décembre (hall 2.1 équipements, stand C84)

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