Makery

Rob Hopkins: «On n’a pas demandé la permission pour agir» sur le climat

Rob Hopkins (à gauche) et le maire d'Ungersheim, un village alsacien en transition. © Nicolas Barrial

Le Britannique Rob Hopkins est le père des villes en transition, ce réseau d’initiatives locales créé pour sortir des énergies fossiles. Interview du prof de permaculture, à Paris en cette période de COP21 pour parler du livre «21 histoires de transition». 

Ce samedi 29 novembre, 150 personnes s’étaient réunies à La Générale, une ancienne usine à chaussures construite dans l’entre-deux-guerres et occupée depuis par une coopérative artistique, politique et sociale dans le 11ème à Paris, pour échanger sur la « transition écologique » à l’échelle locale, en présence de Rob Hopkins, universitaire spécialiste de soutenabilité et de permaculture, 47 ans, initiateur du mouvement de « descente énergétique » pour la ville.

Rob Hopkins à la Générale le 29 novembre est venu parler soutenabilité écologique. © Nicolas Barrial

En 2003, face au « pic pétrolier », Rob Hopkins a théorisé et mis en œuvre la transition, un plan pour mettre la ville à l’heure des énergies renouvelables et de la « souveraineté alimentaire », en commençant par Kinsale, ville irlandaise où il enseignait. En 2006, c’est Totness, en Angleterre, 7 700 habitants, qui devient pilote du projet. Depuis, sont venues se joindre au mouvement une foule d’initiatives mondiales, dont certains acteurs étaient à la Générale. 

Jean-Claude Mensch, maire du village alsacien d’Ungersheim, est ainsi intervenu sur la transition qui touche tous les secteurs de sa commune de 2 000 habitants, à commencer par la piscine chauffée au solaire, suivie des habitations individuelles, des potagers excédentaires qui fournissent les marchés et même la construction de la plus grande centrale photovoltaïque d’Alsace. Le tout alimenté par une monnaie locale, le Radis ou Radig en alsacien. On n’a d’ailleurs pas échappé à la blague du maire : « T’as pas un radis ? »

Les participants sont invités à définir les points communs des initiatives de transition. © Nicolas Barrial

Alors que débute la COP21, le rendez-vous du climat des grands de ce monde, Hopkins fait témoigner d’initiatives à taille modeste, tel ce couple qui a proposé à la ville de Bruxelles d’installer des potagers dans son quartier pour limiter l’infernal trafic automobile dû à la prostitution de rue. Ou ce repair café américain proche de la NASA qui voit des quidams se faire réparer leurs smartphones par des ingénieurs en aérospatiale venus en voisins.

Comme l’a dit Rob Hopkins en introduction, « nous n’avons pas demandé l’autorisation des grands de ce monde pour agir ». Interview.

Qu’attendez-vous de la COP21?

Je ne mets pas beaucoup d’energie émotionnelle dans les décisions qui seront prises. Au cours de la COP15 à Copenhague, les activistes du changement climatique avaient mis tellement d’énergie dans la réalisation d’objectifs qui n’ont pas eu lieu qu’ils ont été au tapis pour plusieurs années. La COP21 n’est qu’un moment dans un grand mouvement de fond. Le charbon est fini, le pétrole et le gaz sont presque épuisés et on constate l’explosion des énergies renouvelables. Notre message est : “c’est en train d’arriver, c’est inévitable.” Et notre rôle est de soutenir cette prise de conscience. Mon espoir est que la COP21 accouche de quelque chose de légalement contraignant, avec de l’ambition. Peut-être y arriveront-ils mais si ce n’est pas le cas, c’est notre futur de toute façon. 

Quel est le chaînon manquant entre ces efforts gouvernementaux et des initiatives comme la transition?

Le chaînon manquant, c’est la croyance au niveau gouvernemental que les actions à l’échelle de la communauté sont inconséquentes. Voyez les données de nos 21 histoires de la transition : 30 millions de livres d’investissement dans les énergies renouvelables (42 millions d’euros, ndlr), 1 million de livres en monnaies locales (1,42 million d’€, ndlr) et presque 20 000 heures de bénévolat. Les gouvernements devraient soutenir ce que la communauté réalise. Ça n’a pas lieu parce que les gouvernements ne reconnaissent pas les besoins. Notre rôle est de dire : “regardez ce que font ces gens, c’est remarquable.” 

Le village alsacien en transition Ungersheim est-il le Totness français?

Oui, d’une certaine manière. Ungersheim va même plus loin que Totness, parce qu’il a le soutien total des autorités locales. A Totness, même s’il y a de nombreux projets, certains avancent très lentement parce qu’ils n’ont pas ce niveau de soutien. A Ungersheim, le maire dit “on fait ceci”, ça se fait en un clin d’œil, c’est vraiment un luxe ! Dans la plupart des cas, ça ne marche pas comme ça. C’est pourquoi Totness est un laboratoire qui essaie des idées, certaines marchent, d’autres non, qui sont reprises ailleurs avec parfois plus de succès.

Vous parlez beaucoup de monnaies locales, quelle est leur importance dans le plan de transition?

L’importance d’une monnaie locale réside dans ce que les économistes appellent l’effet multiplicateur : si vous dépensez 1 € dans l’économie locale, cela rapporte environ 2,40 € de valeur économique à votre ville, mais si vous dépensez 1 € à l’hypermarché, cela ne rapporte qu’1,40 €. Si l’on peut faire en sorte que la monnaie s’échange le plus possible entre les habitants, c’est bon pour l’économie locale, cela rend la ville plus résiliante. On peut aussi le faire avec l’euro mais avec une monnaie locale, c’est plus parlant pour l’utilisateur. On en voit partout en France et c’est très enthousiasmant.

Peut-on agir seul pour le compte de la transition et de quelle manière?

Vous pouvez agir seul ou à quelques-uns, même si certains pensent que l’on ne peut agir que si toute la ville est convaincue. C’est une question de courage : lorsqu’une poignée de personnes réussit quelque chose, cela donne le courage de voir plus grand. On ne peut pas passer de l’apathie à Superman en quelques secondes. Le courage vient par étapes et on gagne en confiance à chaque réalisation.

Intégrez-vous le mouvement maker dans les ingrédients de la transition?

Ce soir, une de nos histoires montrait l’exemple d’un repair café. La transition est un cadre d’organisation et une source d’inspiration. Dans le large champ d’options qui s’offrent aux gens, certains peuvent initier un repair café ou un fablab. Mais ce sont des outils qui ne peuvent exister qu’au travers de la communauté. Les gens qui viennent à la transition sont passionnés. Si vous êtes passionné par un fablab, il faudra qu’il intègre ses objectifs dans le dessein commun de la transition, comme par exemple, la réduction du gâchis alimentaire ou des besoins en énergie.

«21 histoires de transition», l’ouvrage de Rob Hopkins, à la Générale. © Nicolas Barrial 

Extrait de la conférence de Rob Hopkins à la Générale le 28 novembre 2015:

Le site consacré à la Transition

Le blog de Rob Hopkins

«21 histoires de transition récoltées par Rob Hopkins», la contribution du mouvement des villes en transition à la COP21