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Les jolies horloges non-explosives d’Akafugu

Per Johan Groland, cofondateur d’Akafugu, et son horloge modulaire à tubes Nixie. © Cherise Fong

Avis à tous les amateurs d’horloges numériques trop belles pour être prises pour des bombes: les start-upers makers d’Akafugu, à Tokyo, proposent des kits open source pour fabriquer des objets de design à partir de vieux tubes Nixie et tubes d’affichage fluorescent.

Tokyo, de notre correspondante

« Ce sont les trucs tape-à-l’œil qui se vendent, reconnaît Per Johan Groland, cofondateur d’Akafugu, une toute petite société de kits électroniques à Tokyo. Les horloges plaisent et sont les produits qui se vendent le plus facilement. »

La première horloge Nixie d’Akafugu. © Akafugu

« Nous sommes venus aux horloges Nixie un peu par hasard, ajoute Per. Au début, je les ai trouvées plutôt cool d’apparence. Puis j’ai commencé à faire des recherches sur leur fonctionnement et la façon dont on pouvait créer des circuits pour les animer. Avant les Nixie, on avait commencé à expérimenter avec les VFD, qui sont moins dangereux. Si on touche un tube Nixie là où il ne faut pas, on reçoit un choc électrique, ça fait très mal. »

En effet, les tubes Nixie sont remplis de gaz composé principalement de néon, qui s’allume au contact de cathodes en forme de chiffres afin de produire l’affichage orange que l’on connaît. Les tubes VFD, eux, contiennent une cathode composée de fils de tungstène dans une matrice prédéfinie, dont les surfaces recouvertes de phosphore émettent une lumière fluorescente pour afficher des chiffres ou des lettres (on en voit encore sur les écrans des lecteurs DVD).

L’intérieur d’un tube Nixie exposé sur un circuit. © DR

Ces technologies tubulaires antiques, mises au point à partir des années 1950, sont devenues complètement obsolètes et ont été remplacées par les OLEDs et autres écrans Retina… Aujourd’hui, il n’existe plus d’ouvriers ni d’artisans actifs qui sachent les fabriquer. Mais dans les entrepôts, les tubes existent toujours, notamment en Russie, qui a continué à fabriquer des tubes Nixie et VFD jusque dans les années 1990. Ce n’est qu’une vingtaine d’années plus tard, ranimés en horloges geek-chics, qu’ils ont connu une forme de renaissance en tant que curiosité de la Guerre froide.

Des kits de 15 à 170 dollars

Akafugu propose plusieurs kits pour fabriquer son horloge. Les cinq modèles à base de tubes VFD coûtent entre 75$ et 170$ (pour la VFD Modular Clock IV-18 SMT avec GPS et sans soudure). Trois modèles utilisent les tubes Nixie (125$ à 210$). Sans oublier une horloge qui produit un tic-tac hasardeux mais garde toujours l’heure exacte, inspirée par Lord Vetinari (15,50$), pour les fans du Disque-monde. Selon Per, les prix représentent plus ou moins le coût du matériel. En plus des tubes, des circuits et des composants, tout le firmware et les codes de programmation sont accessibles en open source, de façon à personnaliser l’affichage au plus près de son plaisir.

L’horloge modulaire à tubes VFD IV-4 d’Akafugu. © tubeclockdb.com

Une start-up à deux

Depuis quatre ans, Akafugu tourne grâce à deux personnes, Per Johan Groland et Karl Backström, un Norvégien et un Suédois, installés au Japon depuis presque une décennie. Ces anciens collègues d’une grande entreprise de logiciels, tous deux ingénieurs logiciel, s’intéressaient aux makers. Pour le plaisir d’apprendre et de partager, ils ont créé la société Akafugu en simplifiant le développement du matériel et le prototypage, en parallèle à leurs emplois respectifs. Leur boulot de nuit a d’abord consisté à apprendre comment fabriquer, produire et vendre des kits, mais aussi à maintenir et optimiser une boutique en ligne.

« Le coût pour créer ses propres circuits et les faire fabriquer en Chine devenait de moins en moins cher, c’était une bonne occasion de se lancer dans la production, explique Per. Le premier but de la boîte était d’apprendre tout le processus du développement matériel, la conception du firmware, comment fabriquer des choses nous-mêmes et ensuite les vendre. On a fait tout ça en fabriquant des kits pour les vendre à d’autres personnes qui s’intéressent aux mêmes choses que nous. »

Horloges à tubes exposées par Akafugu à la Maker Faire Tokyo 2014. © Akafugu

Jusqu’à présent, ils ont plutôt bien réussi. La vente de kits d’horloges (sur leur propre site, sur Amazon.jp et sur Tindie) assure une grosse partie de leur chiffre d’affaires (japonais à près de 70%). Leur catalogue de produits comprend aussi d’autres kits pour bricodeurs et débutants, ainsi que des circuits maison, des composants et des boîtiers. Ils animent également des ateliers de soudure, à Tokyo Hackerspace et ailleurs, et sont présents à toutes les Maker Faire Tokyo.

Horloge VFD modulaire fabriquée par un maker en République tchèque :

Les deux partenaires ne touchent toujours pas de salaire d’Akafugu, ayant choisi de tout réinvestir dans la recherche, la pré-production de nouveaux produits et le stockage du matériel. Ils sont ainsi en perpétuelle rupture de stock en ce qui concerne les horloges les plus demandées. Per Johan Groland reconnaît qu’ils sont loin de pouvoir quitter leurs emplois respectifs.

« Nous essayons d’orienter la société autour de l’Internet des objets (IDO) et le conseil, avec la vente de kits réorientés IDO en arrière-plan. » Une manière d’ouvrir la porte à d’autres projets plus ambitieux, de capteurs en réseau à la visualisation des données…

En attendant, rien de plus rétrogeek qu’une horloge design DiY fabriquée avec des tubes obsolètes utilisant une technologie désuète datant de la Guerre froide…

Pour en savoir plus, voir « Nixie Clocks, Numitron Clocks, and VFD Clocks » de TubeClockDatabase

Retrouvez bientôt sur Makery le Bricole it Yourself pour concevoir une horloge rétrogeek