Makery

Comment des start-ups naissent au fablab de Toulouse

Le robot de désherbage OZ (à d.) de la start-up Naïo, qui a passé un an à développer ses prototypes chez Artilect. © Quentin Chevrier

La face cachée de l’innovation vit dans les labs. Des start-ups gravitent autour du plus ancien fablab de France, Artilect, à Toulouse. Quatre d’entre elles expliquent l’intérêt du fablab pour leur développement.

Toulouse, envoyé spécial (texte et images)

Les makers explorent, prototypent, et parfois innovent. De temps en temps, il leur arrive de se rassembler et de créer une start-up. Quelques-uns vont même jusqu’à graver leurs cartes de visite à la découpe laser… Si certains labs jouent la carte de l’innovation, en se faisant incubateur ou espace de coworking, comme La Machinerie d’Amiens ou l’Openlab du CRI à Paris, le plus ancien fablab français, Artilect, à Toulouse, qui compte plusieurs centaines de membres, héberge quelques jeunes pousses depuis quelques années. Makery en a rencontré quatre.

Naïo Technologies

La start-up de robot agricole Naïo est la plus connue des jeunes pousses d’Artilect. L’idée est partie de quatre amis en 2010. Nicolas Lassabe, fondateur du fablab de Toulouse, qui les connaît, les invite à présenter le projet à la traditionnelle soirée du lundi. « L’accueil a été excellent, explique Gaëtan Severac, cofondateur de Naïo Technologies. Aucun jugement n’a été porté sur notre idée, nous n’avons reçu que des conseils et des encouragements. D’ailleurs, la communauté est un atout supérieur aux machines chez Artilect. » Pourtant, le lab toulousain est plutôt bien équipé.

L’équipe passe un an à prototyper au fablab. « On bénéficiait régulièrement de coups de mains d’autres membres du fablab. Par plaisir, par solidarité entre start-ups. Beaucoup d’anciens membres et de start-ups nées au lab reviennent de temps en temps, surtout aux soirées du lundi. »

« Clairement, un fablab a un niveau d’interaction sociale bien supérieur à celui d’un incubateur. »

Gaëtan Severac, Naïo Technologies

Chez Artilect, ce sont les  personnes qui sont membres du fablab, et non les projets. Du coup, les fondateurs d’une start-up en pleine levée de fonds comme Naïo paient la même cotisation que n’importe quel bricodeur curieux : 30 euros par  an. Bon point pour l’ambiance générale, il n’y a pas de hiérarchie entre les membres du lab.

Naïo a grandi. En 2011, l’entreprise est créée en partenariat avec une école d’ingénieurs. Après un financement participatif réussi en 2012, un premier prototype fonctionnel sort en 2013, grâce à la participation d’un industriel local. Début 2014, le premier robot est vendu. Aujourd’hui, Naïo Technologies dispose de son atelier, fait travailler 10 personnes et a déjà vendu 20 robots.

Du proto (1er plan) au robot final (au fond), les étapes de développement d’OZ, robot désherbant. 

Drawall : le robot dessinateur pour le fun qui devient pro et reste fun

L’idée de Drawall, le robot de dessin mural, n’est pas née au fablab Toulouse. Nathanaël Jourdane commence chez lui, pour le fun, avec un peu d’Arduino, des moteurs. Le projet prenant forme, il se lance dans la fabrication complète d’un robot dessinateur. Toujours pour le fun. Il passe des heures sur des forums et tutos Arduino et découvre il y a 3 ans, au détour d’un énième tuto, les fablabs. En fouillant un peu, il découvre l’existence du fablab Toulouse. Comme beaucoup, pour sa première fois, il passe la porte du fablab pour une des soirées du lundi soir.

Lors de ces soirées, les membres du lab sont invités à présenter l’avancée de leurs projets, à répondre aux questions mais aussi à en poser, à recueillir des conseils. N‘importe qui, qu’il soit membre ou pas de la communauté, peut monter sur l’estrade et prendre la parole. Une sorte de bœuf pour maker terriblement efficace pour recruter de nouveaux membres et encourager des projets de start-up. Ce qu’a fait Nathanaël Jourdane.

«J’ai reçu beaucoup de soutien, d’encouragement, de conseils, d’aide technique à ces soirées du lundi.»

Nathanaël Jourdane, Drawall

Il poursuit donc le projet au fablab, toujours pour le fun. Il y rencontre des start-ups, et l’envie de faire du robot une activité professionnelle commence à germer. Un autre start-uper du fablab l’invite au start-up week-end toulousain, « pour voir ». « Le projet a été super bien accueilli. Une équipe motivée s’est formée pendant ce week-end, et certains étaient partants pour poursuivre, une fois l’événement terminé. » Toujours pour le fun, mais comme des pros. Aujourd’hui, Drawall, robot 100% made in fablab, imprimé en 3D et découpé au laser, se loue pour des événements, des ateliers, des services de décoration.

Nathanaël Jourdane, sous le Drawall en pleine action.

Alg and you, la R&D et les bons conseils au lab

Alg and You, start-up lancée en 2014, crée les outils nécessaires à la culture de spiruline, à savoir, la phytotière (dispositif de culture à domicile) et le photobioréacteur (système de récolte et de monitoring de la culture). « L’un des fondateurs est proche du fablab depuis longtemps. Il nous a fait découvrir le lieu et on y a installé dès le début notre partie recherche et développement », explique Cyril Durand, l’un des co-fondateurs.

Depuis, la start-up a gagné le concours mondial de l’innovation (catégorie protéines végétales), installe des phytotières chez l’industriel agro-alimentaire Poult, et… passe des commandes de prototypage à Artilect Lab, la branche commerciale du fablab Toulouse. Cyril Durand ne cache pas qu’il aimerait passer plus de temps dans le lab. « C’est un super écosystème, très riche. »

«Un café avec Naïo vaut 10 sessions avec un avocat ou un conseiller, et c’est bien moins cher !»

Cyril Durand, Alg and you

Cyril Durand explique comment fonctionne la phytotière. 

Thingz, bêta testé au lab

Cyril Loucif-Durouge est venu pour la première fois au fablab de Toulouse pour imprimer en 3D des pièces plastiques pour son père. « Il vaut mieux avoir une première petite idée à réaliser quand on vient dans un lab. » Au fablab, il programme son Arduino pour monter un réveil-pistolet à eau. Devant la courbe d’apprentissage de l’Arduino, assez « ingrate » au début, il a envie d’un système plus simple, plus modulaire.

C’est ainsi que Thingz est né : ses briques électroniques se branchent sur une base, elles sont reconnues et le programme réveil ou thermomètre se lance. Au fablab, Cyril Loucif-Durouge réalise des tests de design de ses packagings à la découpe laser, et développe finalement le projet dans l’incubateur du Camping de Toulouse. « Je reviens encore régulièrement au fablab le lundi soir pour présenter mes dernières avancées et avoir des retours de potentiels usagers. » Plusieurs centaines de kits ont déjà été vendus.

Thingz se transforme facilement en thermomètre. 

Artilect s’associe cette année à son voisin La Serre, incubateur d’initiatives responsables, pour créer Le Multiple, un lieu de résidences pour les acteurs du design, de l’entrepreneuriat social, et de la culture.