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«L’innovation individualisée» selon Massimo Banzi, fondateur d’Arduino

Massimo Banzi, devant une cinquantaine de personnes à l'ENSCI. © Makery

Le fondateur d’Arduino, Massimo Banzi, était à Paris le temps d’un week-end début février pour une conférence, deux jours d’ateliers à l’ENSCI et une interview pour Makery.

Plus d’un million de cartes programmables vendues en 10 ans. L’invité du Fabshop pour l’étape française du Arduino Tour est une sorte de rockstar de la culture maker. « Le mouvement maker existe à partir du moment où des personnes étrangères à la technologie se mettent à créer avec de la technologie », lance-t-il en début de conférence. Son credo : la démocratisation. Makery a pu lui poser quelques questions.

«Au lancement d’Arduino, notre idée était de construire une plate-forme qui décevrait les experts mais enthousiasmerait les débutants.» Massimo Banzi, fondateur d’Arduino

Massimo, en GIF à l’italienne. © Makery

Arduino a développé beaucoup de cartes dérivées, mais le logiciel Arduino a connu très peu d’évolutions. Pourquoi ?

Il y a 10 ans, on a commencé avec une petite carte très simple. Les utilisateurs faisaient de petits projets non-connectés. Puis l’Internet des objets (IDO) est arrivé, les utilisateurs se sont mis à faire des prototypes connectés, Arduino a créé plusieurs cartes dédiées, avec toujours plus de possibilités, et donc de complexité technique. Mais le fait que toutes ces cartes fonctionnent avec le même logiciel aide les utilisateurs à passer de l’une à l’autre plus facilement. Le logiciel Arduino est fait pour être le plus compatible possible, quel que soit le capteur, la carte, ou le projet.

Le classique Arduino Uno va-t-il changer ? Devenir plus puissant ? Moins cher ?

Le design de la carte, et même de son packaging, ont été pensés pour démystifier le produit, pour qu’il soit accessible à tous dès le premier regard. Arduino garde ce cap. Nous travaillons en ce moment sur l’Arduino Zero, qui est un Arduino Uno de la même taille, mais plus puissant. Ce qui est un bon point pour le prototypage d’objets connectés.

Deux utilisations de la plate-forme Arduino se distinguent : d’un côté, le modèle Arduino classique avec des shields (des cartes auxiliaires qui ajoutent à l’Arduino une fonctionnalité, comme le wifi, une mémoire sur carte SD, le contrôle de plusieurs moteurs…) qui est une bonne façon d’apprendre et de réaliser ses premiers prototypes, et de l’autre côté, un module de la taille d’un timbre poste, intégrant seulement une batterie, un processeur et quelques connectiques, que de plus en plus d’utilisateurs souhaitent utiliser pour construire un produit autour de ce cerveau central. Ce qui permet d’acheter ce module en plus grande quantité, à un prix inférieur, pour ensuite produire et commercialiser le produit.

Pour une classe de 20 élèves, vous achetez des Arduino Uno. Mais pour vous lancer dans une production en série, vous achetez un simple module au design concentré. Cette séparation en deux usages de la plate-forme Arduino est la tendance forte du moment.

« 18 millions de personnes se sont connectées sur Arduino.cc l’an dernier, avec un temps moyen de visite de 6 minutes. Ce qui veut dire que les gens viennent apprendre sur le site. » Massimo Banzi

On a aussi travaillé sur l’intégration de Linux dans Arduino avec le Yun. Ce qui permet de faire le lien entre l’environnement Arduino et le monde de Linux, en restant plus simple qu’un Raspberry Pi, qui est une vraie petite unité centrale d’ordinateur. Le Yun, c’est le pouvoir de Linux à petite échelle.

Un seul autocollant sur l’ordinateur de Massimo Banzi. © Makery

Quels sont projets construits avec Arduino les plus incroyables que vous ayez vus ?

Aha ! (Rires) C’est une question très difficile, cela change tout le temps. Ce qui était incroyable il y a 5 ans n’est plus qu’un jouet maintenant. J’aime particulièrement les outils créés avec Arduino, c’est-à-dire les projets qui permettent à d’autres de faire, comme les imprimantes 3D ou les découpe-laser basées sur Arduino. Il y a en ce moment de beaux projets pour diagnostiquer des maladies ou analyser l’ADN. C’est intéressant puisque cela ouvre de nouveaux usages.

Les projets “fun”, ces petits protos marrants qu’on voit beaucoup sur les blogs, ne sont pas les meilleurs projets, qui sont souvent plus discrets et plus longs à émerger.

Je garde toujours en tête le distributeur de nourriture pour chat, un des premiers projets développés avec Arduino par quelqu’un, chez lui, pour un problème personnel, en l’occurrence contrôler ce que mange un chat malade lorsque son maître s’absente. Il a ensuite été mis en open source, et il est aujourd’hui vendu (et encore en open source).

« Le mouvement maker n’est pas encore passé de la production de masse à la production individualisée, mais il est déjà passé de l’innovation de masse à l’innovation individualisée. » Massimo Banzi

Pensez-vous que le biohacking est l’avenir du Do it Yourself?

Oui, le biohacking sera «the next big thing». La dernière tendance majeure était le hardware et les objets connectés, la prochaine sera l’arrivée du bio dans la communauté des makers, et l’arrivée de matériel électronique capable de s’interfacer avec des biomatériaux.

Tout comme l’électronique précédemment, les outils du biohacking deviennent plus accessibles financièrement. Vous pouvez maintenant connecter n’importe quel capteur à un Arduino et remplacer ce qui était auparavant un coûteux outil de mesure. Ces capteurs deviennent de plus en plus complexes, de moins en moins chers, et sont maintenant utilisables pour de la bio. Les biohackers vont donc pouvoir réaliser des expérimentations de plus en plus abouties.

Avez-vous encore le temps de « faire » des choses ?

Oui encore un peu, mais pas autant que je le voudrais !

Le site web d’Arduino