Que réserve 2015 à la fab'révolution ? © CC-Pitch
En guise de vœux, Makery a posé une petite question à une palanquée d’experts, makers, artistes, fabmanagers et autres bricodeurs : que prédisez-vous pour 2015 concernant les labs et/ou la fabrication numérique ? Tous n’ont pas répondu – la faute à la gueule de bois post-réveillon ? Cet article a donc vocation à s’agrandir…
Adrien Bracq, @nadarbreicq
cofondateur de La Machinerie, fablab et espace de coworking à Amiens
« Pour 2015, j’espère avant tout que le mouvement des labs prouvera qu’il n’est pas une bulle. Les labs doivent aussi surmonter le défi encore récurrent de la documentation et de la coopération inter-labs. Le biohacking semble poursuivre son ascension, alors que la prédominance de l’impression 3D semble enfin raisonnée. Le grand public sait de mieux en mieux ce qu’est un lab.
Après 6 mois d’activité, nous abordons 2015 avec un remaniement de La Machinerie. Nous rapprochons les espaces et les membres des parties lab et coworking. Nous expérimentons les projets internes au lab : des idées de projets mises en commun réalisables par n’importe qui. Le temps-machine nécessaire est dans ce cas gratuit si le projet est entièrement documenté. Ce système répond aux problèmes des nouveaux arrivants avec de la motivation mais sans idée de projet. »
Albertine Meunier, @AlbertinMeunier
artiste
« #Prédictions2015 #MéthodeCoué Pas #Patatras. Tentons quelques prédictions pour le monde de Makery 2015 en jouant aux D :
* L’impression 4D (spatio-temporelle) : en gros, le temps joue sa dimension, l’origami se plie et déplie automatiquement grâce à la mémoire de forme
* Le photomaton 3D pour faire des photos avec des micro personnages à la demande : mises en scène réussies assurées
* Dessine-moi un robot en 2D et fais-le toi-même en kit. Pour ma part, je souhaite un robot découpeur de chips avec exactement 36 chips dans une patate
* Et enfin les mots croisés 1D pour les journaux à plat : une version toute en colonne pour cette année ! »
Actualité: vient de publier «Les dessous de l.ho», 404 exemplaires.
Jean-Baptiste Roger, @jbroger
directeur de la Fonderie, agence numérique d’Ile-de-France
« 2015 sera sans aucun doute une année charnière pour les fablabs. Il s’agit, pour nous qui sommes convaincus de la nécessité de l’autonomie et de l’apprentissage de nouveaux savoirs, d’emballer le phénomène et d’en faire de véritables espaces locaux de (re)fabrication, des endroits de créativité, d’échanges et de découverte du making au-delà des pionniers actuels. Les labs peuvent devenir de vrais poumons au cœur des centres-villes pour acquérir des compétences, découvrir des machines et des projets de créateurs, détourner, repenser et réenchanter l’existant.
À La Fonderie, nous allons poursuivre notre action en faveur de l’émergence de ces nouveaux lieux sur l’ensemble du territoire de l’Île-de-France et encourager un nombre toujours plus important de militants du “faire soi-même”… avec les autres. »
Agnès de Cayeux, @agnesdecayeux
artiste
« En 2015, nous pourrons enfin nous fabriquer le Bit Plane du Bureau of Inverse Technology qui était proposé en kit le millénaire dernier sur le site du BIT (avec bien d’autres inventions d’ailleurs, c’est un régal).
Par contre, nous ne pourrons pas vraiment nous en servir car nous n’avons pas le droit de traverser les nuages avec nos machines volantes.
En 2015, il faudra trouver des labos immenses avec des nuages et du vent pour tester nos machines, des musées vides peut-être ou bien encore des plages désertes.
En 2015, nous aurons besoin de plus en plus d’espace pour être libres de voler en 0 et en 1. »
Actualités: «Piper Malibu», performance avec drone, le 31 janvier à 20h, dans le cadre du festival Hors Pistes, Centre Pompidou, artiste commissaire invitée du festival Accès(s) à Pau, en octobre prochain.
Mickaël Desmoulins, @Mickouku
open innovation manager, Renault Creative Lab
« Vaste question… (…) Côté entreprise, je ne suis pas certain que l’on voie encore de réelle collaboration avec des fablabs classiques en 2015 – du moins en France. Par contre, on est véritablement entré dans l’âge du faire, et les méthodes de « type fablab » vont s’affirmer comme le nouveau standard pour innover dans les entreprises. Des espaces de ce type vont s’imposer aux grandes entreprises comme une forme d’acquis social pour attirer les talents…»
Sophie Pène, @SophiePene
professeur à l’Université Paris Descartes
« Dans le courant de l’année 2014, nous avons vécu une étonnante évolution, avec l’introduction rapide et toute naturelle des fablabs dans les lieux d’apprentissage scolaire et universitaire. Alors que, récemment encore, beaucoup d’enseignants et d’administrateurs de l’éducation ignoraient tout des fablabs, makerspaces et autres espaces voués au DiY, en quelques mois, l’idée de créer dans les établissements des espaces d’apprentissage, d’auto production, de formation de pair à pair, de fabrication de prototypes, semble se répandre très vite (…). Il y a à cet engouement de nombreuses raisons. « Apprendre en faisant » est une pratique éducative au cœur des écoles actives, et les pédagogues sensibilisés aux méthodes Freinet, Montessori sont naturellement portés à organiser l’apprentissage à partir du faire et de l’initiative propre des étudiants (…).
Dans la crise pédagogique que nous traversons, le fablab est un lieu de médiation et de création où professeurs et étudiants peuvent vivre paisiblement des relations de co-production et d’échange de savoirs. Avec l’essor des objets connectés, les tissus intelligents, les capteurs corporels, et l’essor des données personnelles qui s’ensuit, l’apprentissage de la programmation dans un cadre scolaire apparaît comme un carrefour d’expériences et de réflexion qui pourrait bien favoriser la transdisciplinarité et la vie d’équipe dans les lycées, et aussi le développement de l’autonomie, de la responsabilité dans la société numérique (…). En 2015 notre OpenLab [créé en 2014 au CRI] s’ouvre au learning lab : nous allons avoir des étudiants et des entrepreneurs qui vont prototyper des objects connectés pour l’éducation et la recherche. Un fablab ouvre à Paris Diderot. Je pense que cette expansion des makerspaces dans les universités et les lycées va être un temps fort du DiY, avec de nouveaux acteurs, des disciplines et pratiques autres que l’informatique ou la technologie, des historiens, des géographes, des littéraires : c’est l’idée même de prototypage qui pourrait bien changer largement l’esprit de l’apprentissage en redonnant le goût et le temps de l’expérience sensible, personnel, dans des collectifs rassurants.
Pour moi, cette expansion des fablabs est une illustration de la belle thèse de Dewey, qui expose le lien entre expérience et démocratie. Je retrouve dans l’apprentissage par le faire, avec toute l’émotion sensible et esthétique qui s’en dégage, l’écho de ce beau passage sous la promesse duquel je voudrais placer l’année 2015 et de ses vœux pour les fablabs : ″De toutes les manières de vivre, la démocratie est la seule qui croit sans réserve au processus de l’expérience en tant que fin et moyen ; en tant que ce qui est capable de générer la science, seule autorité sur laquelle on puisse se fonder pour guider l’expérience future, et en tant que ce qui libère les émotions, les besoins et les désirs de manière à faire advenir les choses qui n’existaient pas dans le passé. En effet, tout mode de vie insuffisamment démocratique limites les contacts, les échanges, les communications, les interactions par lesquels l’expérience se raffermit tout en s’élargissant et en s’enrichissant. Cette libération et cet enrichissement sont une tâche à laquelle il faut se consacrer jour après jour. Comme ils ne peuvent avoir de fin tant que dure l’expérience elle-même, la tâche de la démocratie consiste pour toujours à créer une expérience plus libre et plus humaine que tous partagent et à laquelle tous contribuent.” John Dewey, La démocratie créatrice. »
David Guez, @davguez
artiste, fondateur du VRlab
« 2015 sera l’année de confirmation de l’avancée spectaculaire de la réalité virtuelle grand public, créant un choc aussi important que l’arrivée du Web dans les années 1990. »
Actualité : lancement du VRlab en novembre 2014
Thomas Landrain, @t_landrain
co-fondateur de La Paillasse, biohackerspace parisien en passe de devenir incubateur de labs
« 2015 sera l’année de la validation de certains modèles, et donc de l’écrémage des autres. Beaucoup de lieux se sont créés, beaucoup de modèles sont expérimentés sans qu’aucun ne prenne une place dominante en 2014. Cela pourrait changer en 2015. L’arrivée prochaine de Techshop en France pourrait jouer un rôle également. Par ailleurs, il y a déjà beaucoup de lieux à Paris, je ne pense pas qu’il y en aura tellement de nouveaux. »
Cécile Babiole, @cecilebabiole
artiste
« Je prédis l’explosion ! »
Actualité : Babylone élecrifiée #2, exposition du 16 janvier au 21 février au Bon accueil, à Rennes
Nicolas Lassabe, @Nicolas_Lassabe
fondateur de l’Artilect Fablab de Toulouse
« 2015 pourrait voir l’apparition de labs dédiés à la production en plus du prototypage. Des productions en petite série sans doute, mais ce serait néanmoins une nouvelle professionnalisation des labs. Plus globalement, cette année devrait voir les sources de revenu des labs se diversifier davantage.
2015 pourrait aussi être l’année où des labs prendront un rôle dans la modernisation des villes, pour ne pas dire smart cities. Ce rôle serait renforcé si 2015 était l’année durant laquelle les labs, notamment français, arrivaient à renforcer leur réseau, à parler d’une seule voix, à échanger davantage, tout particulièrement la documentation de leurs projets. Il reste beaucoup à faire de ce côté. Et bien sûr, l’idéal serait de faire tout ça en gardant intactes les valeurs et la philosophie des labs. Nous aurons l’occasion d’en discuter en mai à Toulouse lors du Fablab Festival. »
Jean-Michel Moleenar, @FablabGrenoble
fabmanager du fablab de la CCSTI Casemate, à Grenoble
« 2015 c’est l’année de la bio. La Fabacademy par exemple devient l’Academy of Almost Anything. Le cours How to make (almost) anything sera maintenant accompagné du cours How to grow (almost) anything. La fabrication numérique va s’hybrider avec de la bio-fabrication.
Au Fablab de Grenoble, nous allons expérimenter de nouveaux formats : openlab le mardi soir (où chacun peut venir partager ses compétences en échange de temps-machine gratuit), usage du lab pour les populations défavorisés… en ce moment nous avons de nouveaux inscrits chaque jour.
Avec quelques autres labs européens, nous lancerons aussi Fab Connection, une plateforme sollicitant des labs sur des projets d’entreprises. Les labs sont payés, Fab Connection est payé, et 30% des revenus iront (en concertation avec la Fab Foundation) à des fablabs dans le besoin. C’est une manière de créer du lien et de l’entraide dans le réseau ! »
La suite des prédictions des labs, avec l’écrivain de science-fiction Bruce Sterling, le directeur scientifique de la Fing Jean-Michel Cornu, 3 créateurs de lab africains…