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FAB10 bigger better stronger ?

Le Fabcondenser, à l'entrée de FAB10, créé à partir des positions géographiques des labs du monde entier. © Quentin Chevrier

Le rendez-vous annuel des fablabbers s’est achevé le 8 juillet à Barcelone, après une semaine intense d’ateliers, conférences et soirées sur la plage. Bilan.

Barcelone, envoyée spéciale

La foule du symposium, lundi 7 juillet à Barcelone. © Quentin Chevrier

FAB10 a accueilli cette année 600 participants les trois premiers jours pendant sa partie congrès, et près de 1000 pendant le symposium, soit environ deux fois plus que l’édition précédente à Tokyo, un bon chiffre qui ne fait pas mentir la loi de Moore à laquelle se réfère régulièrement Neil Gershenfeld pour décrire l’expansion du phénomène fablabs: « Si jamais un FAB20 existe dans dix ans, statistiquement ce sera énorme. Et ce sera horrible, nous a confié le fondateur de la Fabfoundation. Ici, ce qui est formidable c’est que tout le monde peut faire connaissance et que nous sommes tous, d’une certaine manière, des pionniers. FAB20 sera différent. Ce qui sera intéressant se passera nécessairement dans les marges de FAB20… » Sherry Lassiter, la seconde tête pensante et directrice de la FabFoundation va dans le même sens : « J’étais récemment à un meeting sur des questions d’éducation et nous étions 10 000. C’était atroce. Je n’avais plus aucune raison d’être là. Je ne veux pas que cela se passe de la même manière pour nous. »

Et si l’avenir des rencontres internationales de fablabbers se construisait plutôt à partir des réseaux régionaux, à l’instar de FabLat et de FabAsia ? Le réseau asiatique a mené récemment un sous-meeting intitulé FAN1 (fablabs asian network #1) qui pourrait présager d’autres évènements de ce type.

Laboratories of Almost Anything

Neil Gershenfeld annonce que la FabAcademy deviendra l’Academy of (almost) Anything. © Quentin Chevrier

Au milieu de ces questions sur l’avenir du réseau, sur son développement et son expansion rapide, le rôle de la FabAcademy a plus que jamais été réaffirmé comme un outil majeur pour ressouder le réseau autour de « gourous » formés directement par les mentors du MIT dans différents fablabs du globe et par un système de visioconférence. « La FabAcademy n’est pas un MOOC (Massive Online Open Classroom). Je suis allergique aux MOOCs », a déclaré Neil Gershenfeld lors d’un atelier sur la FabAcademy. Il y expliquait l’importance de cette structure d’enseignement distribué pour élaborer les évolutions prochaines des fablabs. En écho au cours « How to Make Almost Anything » qu’il mène au MIT depuis les années 2000, la FabAcademy est une suite accessible à tous (pour 5 000 $) qui dure cinq mois, les cours se tenant simultanément dans différents fablabs du réseau. L’« Academy of Almost Anything » annoncée pendant FAB10 présente un lien nouveau entre fabrication numérique et biologie moléculaire. En lien direct avec le projet du Center for Bits and Atoms qui programme la matière et manipule les atomes comme les bits. L’intervention sur scène de Thomas Landrain, de La Paillasse, biohackerspace désormais installé dans un gigantesque local de 750m2 à Paris, a marqué ce FAB10 et a été chaleureusement soutenu par les mentors du MIT : « Dans le futur, il n’y aura plus de différence entre les biolabs et les fablabs », a affirmé Neil en serrant chaleureusement la main de Thomas.

L’Afrique, reine des premiers FabAwards

Émus, Afate et l’équipe du Woelab reçoivent leur FabAward. © Quentin Chevrier

En parallèle des rencontres quotidiennes de FAB10, une dizaine de projets étaient exposés en démonstration. L’un des événements marquants des premiers FabAwards a été le succès de la W.Afate, première imprimante 3D conçue en Afrique, au Togo, à partir d’éléments électroniques récupérés dans les décharges. Ce projet porté par le Woelab (fablab, Togo) symbolise le sens du mouvement pour les communautés africaines. Alors que le mouvement des fablabs peine encore à se développer sur le continent africain, cette reconnaissance de la communauté pour ce projet encore jeune donne un signal fort. Koffi Sénamé, à l’origine du développement du WoeLab, était présent au côté de Dodji du fablab Defko Yaw Rek de Dakar. L’intervention de Koffi Sénamé sur les valeurs de « High/Low Tech » qui sont en jeu dans les fablabs ou makerspaces africains était également un moment important, non seulement pour la communauté africaine mais plus largement pour le réseau des fablabs francophones.

« Nous avons un monde à changer. » Neil Gershenfeld

« Assis ici en plein cœur de Barcelone, nous confie Neil Gershenfeld, je vois qu’une nouvelle ville s’invente dans laquelle tout le monde pourra avoir accès aux outils pour qu’elle devienne entièrement autonome. Tous les obstacles que nous découvrons sont en fait le projet lui-même. Changer les structures de notre société est la partie la plus difficile mais aussi la plus innovante. Nous devons construire ce nouveau mode d’organisation. » Ce qui passe notamment par le lancement à Fab10 de FabShare et FabEconomy, deux plate-formes en ligne qui viennent compléter le .edu de la FabAcademy d’un .org et d’un .com.

Néanmoins, le symposium qui s’est tenu en toute fin de FAB10 a forcé l’ensemble des participants à un grand écart parfois douloureux entre intentions et réalité économique. Sur scène se sont succédé Nike et Airbus, dont les présentations expliquaient que « Waste is the new gold » et que l’innovation telle qu’elle semble se définir aux mains des makers bouscule leurs modes de conception, qu’il s’agisse des cycles de production ou des modes de fabrication de leurs produits.

Bruce Sterling à FAB10 : « Les smart cities ne rendent pas plus intelligents. » © Quentin Chevrier

Bruce Sterling, écrivain de SF et pamphlétaire hi-tech, s’est proclamé trublion de la fête en dressant un portrait sceptique du futur des smartcities et autres fabcities, mettant les pieds dans le plat en établissant une liste ironique de l’ensemble des grosses compagnies que le marché des villes intelligentes fait déjà saliver. Et l’auteur de science-fiction de conclure : « You can always try. I will be watching. »

En attendant, rendez-vous est pris pour Fab11 à Boston et Fab12 en Chine. From personal fabrication to mass production ?