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Vaibhav Chhabra, le maker-trotter indien

Vaibhav Chhabra, fondateur de Maker's Asylum au Fablab festival 2017 à Toulouse. © Makery

Des projets éducatifs plein la tête, le fondateur des deux makerspaces indiens Maker’s Asylum sillonne la planète pour porter sa bonne parole. Rencontre.

D’un aéroport à l’autre, Vaibhav Chhabra cumule les miles. Quelques jours après l’inauguration de son nouveau makerspace à Delhi en Inde début août, le fondateur de Maker’s Asylum s’envolait pour Shenzhen et Singapour. Plus tôt, au printemps dernier, il enchaînait son « Grand Tour » de l’Europe des makers, d’Helsinki à Barcelone en passant par Amsterdam. Mais c’est en France qu’il a décidé de s’attarder : à Rennes, avec l’équipe de My Human Kit qui accompagne le projet de main bionique de Nicolas Huchet, à Paris, en visite au biohacklab la Paillasse ou encore à Lyon, avec un détour par Toulouse au Fablab Festival – où nous l’avions rencontré.

La façade de Maker’s Asylum Delhi peinte par l’artiste Madhuvanthi Mohan. © Maker’s Asylum

La raison de cette passion française ? Un partenariat croisé avec le Centre de recherches interdisciplinaires (CRI), l’ambassade de France en Inde, des communautés de makers et divers acteurs du monde académique pour initier des projets éducatifs et solidaires en Inde et ailleurs.

Quelque peu hyperactif, cet ingénieur en mécanique de 27 ans diplômé de l’université de Boston a fait ses premières armes chez Eyenetra, une start-up du MIT Media Lab qui développe des outils de diagnostic ophtalmologique low-cost sur smartphone. « Pour poursuivre le développement d’Eyenetra, nous avons décidé de nous installer à Mumbai, car ce type de projet a évidemment plus d’impact dans un pays comme l’Inde où l’accès aux soins est limité, explique Vaibhav Chhabra. Et puis, j’avais envie de rentrer chez moi, d’y faire quelque chose d’utile, qui ait de la valeur, tout en utilisant mes compétences en ingénierie », ajoute ce natif de New Delhi.

Vaibhav Chhabra (au centre) dans son makerspace de Mumbai. © Maker’s Asylum

Sur place, aucun souci pour faire les tests – « ce ne sont pas les patients qui manquent ». Mais développer de nouveaux prototypes devient rapidement un casse-tête. « A l’époque, vers 2012-2013, il n’y avait pas de labs en Inde, pas d’équipements. J’allais dans des petites boutiques de réparation, très rustiques, très très low-tech. » Un moment de fun et de bidouille à des milles et des milles du tout hi-tech des labs de Boston, confie-t-il.

Patatras!

Un coup du sort mettra brutalement les projets d’Eyenetra en stand-by et fera naître Maker’s Asylum dans la foulée. Fin 2013, le plafond du bureau de la start-up s’effondre, détruisant tout, machines, mobilier, équipements. « C’était incroyable ! Franchement, je ne sais toujours pas pourquoi il s’est effondré. Des gens sont venus nous aider, ils ont ramené des tables et du thé. La toute première réunion de la future communauté Maker’s Asylum s’est improvisée comme ça. Puis on a commencé à se réunir tous les dimanches dans une petite pièce au fond des bureaux pour fabriquer du mobilier, mais aussi pour bidouiller. C’est ainsi qu’une petite communauté de makers a commencé à se structurer. »

Mitch Altman (Noisebridge) en visite en juin 2016 chez Maker’s Asylum Mumbai. © Maker’s Asylum

Ce sera elle qui baptisera cet atelier de fortune « Asylum » (l’asile, le refuge en anglais), en clin d’œil au fameux Artisan’s Asylum, l’immense makerspace historique américain de Somerville, dans le Massachusetts. Rapidement, un membre de la toute jeune communauté met à disposition son garage, un espace de 200m2 qui deviendra la première adresse officielle de Maker’s Asylum à Mumbai.

A partir de là, les événements s’enchaînent. En juin 2015, une campagne de crowdfunding fructueuse leur permet de déménager dans des locaux plus spacieux, 560m2 situés au nord de la ville. Une fois de plus, la communauté s’attelle à la fabrication du mobilier pour le plus grand plaisir de Vaibhav qui cultive une véritable passion pour la menuiserie – « C’est elle qui m’a donné le goût du faire ». Ses autres pêchés mignons ? « La photographie ! En fait, j’ai commencé par ça. Au début, je photographiais des groupes de musique dans des caves. Un véritable casse-tête pour la lumière. Du coup, je me suis intéressé à l’optique. » Il paraîtrait même qu’il s’adonne au pilotage d’avions de loisir.

Pédagogie innovante et rickshaw de compet’

C’est également en 2015 que des liens de coopération pédagogique et scientifique se tissent entre Maker’s Asylum, le CRI et l’Institut français autour d’un projet EdTech interdisciplinaire qui sera baptisé STEAM School (STEAM pour Science, Technology, Engineering, Art and Math). En novembre 2016, chercheurs, enseignants, étudiants et makers français et indiens lancent une première série de workshops faisant appel à « la pédagogie par défi » selon l’expression de l’universitaire Sophie Pène, qui fait partie de l’aventure depuis ses débuts. L’objectif ? Imaginer des solutions améliorant l’accès à l’eau, aux soins et aux savoirs tout en contribuant à l’émergence d’une smart city à Mumbai.

Présentation de la 1ère édition de la STEAM School (en anglais):

« La première édition de la STEAM School était juste incroyable, s’enthousiasme Vaibhav. Cette année, nous attendons une centaine de participants. » Programmée du 6 au 15 décembre dans le cadre de Bonjour India (LE grand raout de la coopération franco-indienne), la STEAM School saison 2 devrait en effet attirer du monde. D’autant que les projets qui en sortiront trouveront une belle tribune en décembre, toujours en Inde, lors de la Tech conference 2017, un programme de l’Unesco autour des pédagogies numériques pour la paix et le développement durable.

Pour évangéliser la culture maker dans les rues de Mumbai, Vaibhav et ses accolytes ont jeté leur dévolu sur son symbole le plus emblématique : le fameux rickshaw. Transformé en micro-makerspace qui se faufile dans toutes les ruelles, il est équipé de tables rétractables, de seize boîtes à outils, d’une imprimante 3D (ou d’une petite CNC), d’ordinateurs et de batteries. Entièrement documenté sur Instructables, le Maker Auto se balade un peu partout pour initier les enfants de la ville à la bidouille créative.

Un rickshaw reconverti en micro-makerspace. © Maker’s Asylum

Pour les années à venir, Vaibhav Chhabra mise donc sur l’éducation, mais aussi sur le développement de la communauté. Première étape franchie avec l’ouverture des nouveaux locaux du makerspace Maker’s Asylum Delhi le 5 août dernier.

Le nouveau makerspace de Delhi flambant neuf. © Maker’s Asylum

« Nous avons deux autres gros projets dans les tuyaux : Fabrikarium, un hackathon pour les personnes en situation de handicap que nous allons lancer avec My Human Kit en février 2018, sous l’égide de Bonjour India. Et nous sommes en train de monter un textile lab au Rajasthan qui sera consacré aux femmes et à l’artisanat. »

Le site des deux Maker’s Asylum